top of page

Jacques Offenbach

Jacques Offenbach

Par lui-même.

Mon cher Bourdin *
Vous me demandez quelques détails sur ma vie, pour L'Autographe ; les voici : Je suis venu au monde à Cologne : le jour de ma naissance, je me rappelle parfaitement qu'on me berçait avec des mélodies.


J'ai joué de toutes sortes d'instruments un peu, de violoncelle beaucoup - Je suis arrivé à Paris à l'âge de treize ans. J'ai été au Conservatoire comme élève, à l'Opéra-comique comme  violoncelliste, plus tard au Théâtre-Français, comme chef d'orchestre.


J'ai frappé avec courage, mais vainement, pendant une dizaine d'années à la porte de l'Opéra Comique pour me faire recevoir un acte. J'ai créé, alors, le théâtre des Bouffes Parisiens : dans l'espace de sept ans, je me suis reçu, monté et joué une cinquantaine d'opérettes- J'ai abdiqué, comme directeur, il y a deux ans. Comme compositeur, j'ai commencé par les Deux Aveugles et je viens de finir par les Géorgiennes.


Il me sera beaucoup pardonné parce que je me suis beaucoup joué. Je suis Français depuis trois ans, grâce à l'empereur qui a daigné m'accorder mes lettres de grande naturalisation. J'ai été nommé chevalier de la Légion d'honneur, il y a deux ans. Je ne vous parle ni de mes nombreux succès ni de mes quelques chutes : le succès ne m'a jamais rendu fier, la chute ne m'a jamais abattu. Je ne vous parlerai pas non plus de mes qualités, ni de mes défauts. J'ai pourtant un vice terrible, invincible, c'est de toujours travailler. Je le regrette pour ceux qui n'aiment pas ma musique, car je mourrai certainement avec une mélodie au bout de ma plume.  Bien et toujours à vous.

Jacques Offenbach (25 mars 1864)

*(Journaliste au Figaro)

bottom of page